Qu’est-ce que tu voulais faire quand tu étais petite ?
Enfant, j’aurais bien aimé être une indienne de cow-boy. Sans doute qu’il y avait déjà là une recherche de sens, de lien avec la nature. Tous les métiers que je fais aujourd’hui à travers mes différentes activités, je ne savais pas qu’ils existaient à l’époque. Je pensais pouvoir tout faire, mais je trouvais ça très prétentieux. C’était paradoxal car je n’avais absolument pas confiance en moi, j’étais très timide. J’ai grandi en province et je m’ennuyais atrocement ado. Mes copains faisaient les fêtes de village pendant que je regardais passer les trains. Le déclic s’est fait le jour où je suis tombée sur la fréquence de France Inter à la radio. Un monde de culture s’est ouvert à moi.
Et aujourd’hui, qu’est-ce que tu voudrais faire quand tu seras grande ?
Je ne me pose plus la question et je ne me la poserai plus jamais, parce que chaque jour ça change. Je ne peux pas explorer toutes mes envies mais je sais quel est le fil conducteur. Je sais ce à quoi je veux servir au sens large du terme.
Ah si, j’adorerais faire de la radio, avoir une chronique ou participer à une émission, sur le sujet des talents. J’ai réécouté récemment les podcasts de l’émission “
À voix nue” sur Serge Rezvani. Ce monsieur a 90 ans et se définit comme un artiste pluri-indisciplinaire ; cette émission est un petit bijou, une belle leçon.
Quelles études as-tu suivies pour faire mille métiers ?
J’ai fait l’école buissonnière. J’étais une littéraire, mais j’avais une pression incroyable pour suivre des études scientifiques. En terminale, j’avais l’impression qu’on me parlait javanais en maths et physique. Donc j’ai raté mon bac. Cet échec a été la chance de ma vie.
Échouer peut être une chance ?
Oui, je me suis mise à travailler tout de suite après et ça a été une révélation. J’allais là où j’avais envie d’aller, explorer ce qui m'intéressait.
J’ai travaillé 3 saisons pour le festival d’Avignon où j’habitais à l’époque, puis pour l’Opéra et pour une école alternative. Quand j’ai découvert que se lançait la première session d’une école de radio, le Studio École de France, je m’y suis inscrite et suis montée à Paris. La radio et la voix ont toujours été là. Même si finalement je n’ai jamais vraiment fait de la radio. Je me suis aussi formée au développement personnel, à différentes approches sur le massage, le shiatsu, la méditation. Je n’étais définitivement pas une jeune fille qui va en boîte de nuit.
Après Avignon, on m’a proposé de travailler à la MC93 (Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis) de Bobigny. J’en suis partie pour devenir coordinatrice de projet d’une asso hébergée par le Conseil Général de la Seine-Saint-Denis, qui développe des actions culturelles dans les collèges et lycées, Zebrock au bahut. C’était un projet magnifique, j’y suis restée 10 ans.
En parallèle, j’ai managé des artistes et écrit des projets écolo pour la télé. Je suis d’origine ardéchoise et suis tombée dans l’écologie petite. On cultivait notre jardin et à 15 ans mon père m’a offert le premier livre de Pierre Rabhi. Quand j’ai eu ma fille on l’a inscrite dans une crèche parentale du quartier et j’ai contribué avec la mairie à passer la crèche en bio. J’ai aussi été assistante réalisatrice, intermittente du spectacle, et monté une agence de com dédiée à l’écologie. Par ce réseau, j’ai rencontré Cyril Dion, toute l’équipe de Colibris, et je me suis occupée de la promotion du film de Coline Serreau, “Solutions locales pour un désordre global”.
À 30 ans, quelque chose me titillait toujours beaucoup dans la voix. J’accompagnais des chanteurs et chaque fois que j’allais dans une salle de concert j’avais envie de pleurer. Pendant un été, j’ai lu
“Le chant de l’être” de Serge Wilfart. Le lendemain j’étais aphone. L’auteur explique que la voix est le révélateur de notre personnalité profonde. Si on ne respire pas - et on est dans une société en apnée - on ne peut pas poser sa voix. Mon travail de coaching est arrivé par la voix.
À 45 ans, j’ai donc rattrapé ce fil et y ai associé la dimension de la com. J’ai coaché des dirigeants d’entreprise et me suis formée en management et en intelligence collective. J’ai proposé des séminaires qui connectent au potentiel, aux intuitions, qui permettent de se recadrer, de se remettre en question, de trouver sa place. Pour moi être à sa place c’est ça : quand ce qu’on exprime de soi répond à un besoin de la société. Et si chacun est à sa place, le monde tournera bien.
Mais cette situation restait inconfortable. Quand on me demandait ce que je faisais dans la vie, je ne savais jamais quoi répondre. Ce qui m’éclatait le plus c’était d’inventer des concepts, toute la dimension créative. Et puis un matin je tombe sur un article sur le slash. Ouf ! Sur mon petit site Internet homemade, je me suis présentée comme une “slasheuse pleinement assumée”. Ça a été comme un mantra, un coming-out professionnel, je ne pouvais plus revenir en arrière. Je déteste ce terme dans l’absolu, mais c’est comme ça, c’est ce que je suis, et personne ne m’emmerdera plus à ce sujet ! Ma vie a changé ce jour là et je n’ai jamais autant travaillé que depuis que j’ai assumé. Cela me réjouit de voir qu’aujourd’hui il y a des pages entières de gens qui se définissent comme multipotentiels, touche-à-tout ou serial entrepreneurs sur LinkedIn.
Chaque projet, chaque expérience, m’a apporté. C’est un peu comme quand on traverse un ruisseau : on ne saute pas la rivière, on choisit la pierre qui nous semble la plus stable, la plus sûre, celle qui va nous permettre de poser le pied suivant, et de nous donner envie de progresser en bifurquant un peu à droite, puis un peu à gauche.