Pouvez-vous nous parler de vos parcours et du moment où ils se croisent ?
Claire : Je viens de Douarnenez, un petit port breton. Après une prépa HEC et l’ESC Grenoble, j’ai travaillé pour des sites d’information et de e-commerce. J’ai été consultante pour des grandes entreprises et ça ne me plaisait pas du tout. J’étais vraiment une handicapée de l’entreprise, jusqu’à ce que je travaille pour une start-up. C’est là, chez Hello Fresh en 2012, que j’ai rencontré Gabrielle. Ce que j’ai adoré dans ce projet, c’est faire un truc de A à Z. Cela n’a duré qu’un an. Après, on a monté Nubio.
Gabrielle : Je viens d’une famille de 5 enfants dont je suis l’aînée. J’ai longtemps hésité sur le contenu de mes études, médecine, prépa HEC… Finalement, j’ai fait une prépa bio et je suis devenue ingénieure agronome. Je suis très attirée par tout ce qui est vivant, et plus particulièrement par l’innovation autour de l’alimentaire. J’ai fait des stages dans de gros groupes, chez Danone par exemple. J’ai choisi d’aller chez Hello Fresh parce que j’étais très attirée par le côté start-up. On avait les mains dedans, on changeait les process toutes les semaines tellement ça allait vite, on était hyper responsabilisées, c’était très enrichissant. Et on s’est rencontrées. On est complémentaires avec Claire, totalement alignées sur nos objectifs. C’est comme ça qu’on a monté Nubio. Je viens d’une famille d’entrepreneurs, donc c’était écrit quelque part je pense.
Claire : Alors que moi pas du tout ! Quand j’étais à l’école, j’idéalisais l’entreprise, comme un monde mystérieux qui allait m’apporter beaucoup de bonheur. J’ai été très déçue. Venant d’une famille d’enseignants, je pense qu’il me manquait les codes. C’était pas trop ma culture. Nubio est une entreprise extrêmement différente, je le dis aux personnes qui viennent travailler ici, surtout pour un premier job. Ici, tout est possible, la liberté est infinie si on aime prendre des responsabilités. Ce qui est génial quand on est entrepreneur, c’est de construire une entreprise comme on le souhaite. On redéfinit le business, le management, le produit.
Gabrielle : On apprend des trucs tous les jours. Quand on monte sa boîte, on est naïf, on ne sait pas dans quoi on met les pieds. Et au quotidien, on ne fait pas que son métier. Pour Nubio, on est parties de rien. On a toutes les deux mis les mains dedans tout de suite et on a tout fait : les jus, le site Internet… Il nous a fallu beaucoup d’énergie et de temps. Aujourd’hui, on connait très bien notre produit !
Claire : Au-delà de gérer une entreprise qui crée beaucoup d’emplois, notre ambition est d’avoir un impact sur le secteur. Il n’y a pas d’entreprise qui fait ce qu’on fait, c’est-à-dire concevoir, tester, produire et vendre. Nous, on fait tout. Et le truc sur lequel on aimerait avoir de l’impact, c’est la transparence sur des produits qui sont bien faits. On est incapables de faire des produits bullshit. Beaucoup de gens ne sont pas habitués à boire des jus de légumes verts, donc il y a aussi une partie “éducation du palais”, en plus de l’ “éducation du marché”.
Avant Nubio, de quoi étaient faites vos journées ?
Gabrielle : On a toujours toutes les deux travaillé beaucoup. On n’est pas du genre à se planquer. Je n’aime pas l'inefficacité.
Claire : Moi je deviens neurasthénique si je n’ai pas 10 000 trucs à faire !
Gabrielle : Là où les journées diffèrent c’est qu’on ne se réveille pas avec le même objectif.
Claire : Ce qui change énormément quand tu es à l'origine et à la tête d'un projet, c’est que tu ne penses plus qu’à toi, mais à tous les gens qui vivent grâce à ta boîte. On a toutes les deux eu des enfants l’année dernière, et il n’y a pas un seul jour où je me suis dit “je ne pense qu’à moi et mon bébé”, c’est impossible. Avant Nubio, je ne me sentais pas responsable.
Gabrielle : Quand tu as ta boîte, c’est bien de se rappeler que tu peux en faire ce que tu veux. Claire dit souvent une phrase que j’aime bien, “c’est à toi de définir les règles”.
Claire : Parfois, la passion rend la vie déséquilibrée. Si on n’est plus passionné, je me demande si on peut emmener sa boîte très loin. Parfois, je me dis que Nubio n’est rien dans l’univers. Mais si tu commences à relativiser…
Gabrielle : … bah tu fais plus rien.
Claire : Mon travail aujourd’hui, c’est de ne pas me sentir coupable, soit de trop travailler, soit d’être vraiment avec ma famille, c’est un process. J’avais moins de cas de conscience avant.
Le défaut (pro) que vous préférez chez l’autre ?
Claire : Le défaut de Gabrielle c’est qu’elle va tout analyser avant de prendre une décision. Mais je trouve que c’est vachement bien parce qu’au final, sur plein de décisions stratégiques où moi je foncerais, Gabrielle fait des tests, visite des usines etc.
Gabrielle : Parfois Claire a des tas d’idées hyper précises en tête, et quand elle nous parle de la fin du cheminement sans qu’on ait eu le départ, on est un peu perdu.
Claire : C’est vrai que j’ai un peu tendance à penser que tout le monde pense comme moi.