Céline, si je regarde autour de moi et que j’essaie de deviner ton métier, est-ce que je peux trouver ?
Ce que tu vois autour de toi, c’est le dénominateur commun de toutes mes vies : il y a de la musique, il y a des vieilles choses, il y a des plantes. Cette culture des vieux objets, de la beauté qui émane de leur histoire, ce n’est pas du tout la culture de mon enfance. Je viens de la campagne profonde, où ce qui était considéré comme beau, c’était ce qui était neuf et standardisé. Cette vision a changé quand je suis allée étudier la musique au conservatoire de Mulhouse, la ville la plus proche de chez moi. J’avais 9 ans.
Tu y as étudié quel instrument ?
La contrebasse. En fait, quand je me suis présentée au conservatoire, je n’avais aucune technique musicale, mais le directeur du conservatoire a senti qu’il y avait “un truc” chez moi. Il m’a conseillé de choisir un instrument à cordes, alors j’ai choisi la contrebasse. Au conservatoire, j’ai commencé à rencontrer des gens qui m’ont fait découvrir de nouveaux univers : les musées, l’Art, les vieilles choses, la beauté des tissus, des matières, l’esthétique en général. Je pense que ces rencontres ont été le point de départ de la construction de ma culture de l’objet, du beau. Je l’ai réalisé pour la première fois quand je me suis battue pour récupérer la commode de mon arrière grand-père. Quand sa maison a été vendue, toute ma famille bazardait ses meubles et j’étais la seule à ne pas comprendre qu’on puisse jeter des souvenirs autant chargés d’histoire. Cela a aussi ancré ma volonté de transmettre à mes enfants cette culture de l’objet, du souvenir.
Et tu as continué dans la musique ?
Oui. A 18 ans je suis entrée au conservatoire de Paris pour jouer de la contrebasse et devenir historienne de la musique. De fil en aiguille, je suis devenue à 23 ans directrice artistique des Jeunesses Musicales de France. Du jour au lendemain j’ai sauté dans le grand bain : je gérais 2 000 concerts par an, je travaillais avec Les Francofolies, l’Orchestre de Paris… J’ai rencontré un nombre de gens incroyables durant ces 7 années, et ça m’a donné envie de créer ma propre boite de production de concerts, ce que j’ai fait à 30 ans. Ce que je préférais par dessus tout, c’était amener des gens à découvrir des choses qu’ils ne connaissaient pas, en mélangeant des rencontres croisées entre la musique classique et les autres musiques. A 34 ans, on m’a débauchée pour organiser pendant quelques temps les concerts du ténor Roberto Alagna.
Entre temps, je me suis remariée, j’ai eu mon 4e enfant. Mon mari travaillait à l’étranger, et puis ma petite dernière, a eu des soucis de santé. C’est là que j’ai commencé à me dire que que j’avais fait le tour de ma carrière de musique et que j’avais envie de me consacrer entièrement à ma famille : j’avais besoin de faire quelque chose de concret, ce qui n’est pas du tout le cas du monde de la musique. Alors j’ai quitté ce milieu pour un autre, la rénovation de jardins et d’appartements.
Où as-tu appris à faire ça ?
J’ai toujours fait ça ! Je suis née à la campagne, autant dire que je suis née dans un jardin : depuis mes 5 ans, je désherbe, je tonds, j’aide à toutes les corvées de la ferme et des champs. Simplement, tout cela je l’ai fait comme une corvée nécessaire : à la campagne, si on ne cultive pas, on ne mange pas de la même façon. Les jardins que j’imagine, maintenant, c’est à portée esthétique. Et c’est pareil pour le bricolage. Très jeune, je me suis mise à bricoler. Ce qu’on apprenait à la campagne c’était démonter une 103, remettre une chaine de vélo... Et depuis, ce que je ne savais pas, j’ai appris à le faire.
Comment ?
En demandant ! En regardant les électriciens, les plombiers, j’ai appris à poser le carrelage, à gérer la plomberie. Mon prochain objectif, c'est d’apprendre à me servir d’une scie circulaire. J’ai rénové toute ma maison quasiment seule. C’est aussi à ce moment là que j’ai rencontré mon second mari, et que j’ai évolué vers ma nouvelle profession de jardinière-paysagiste. J’ai rencontré il y a 2 ans le fondateur des Mauvaises Graines, puis mon associé actuel Eric Caste qui a repris la marque. Dans notre petite entreprise de paysagiste notre métier est de faire des jardins différents en imaginant une scénographie adaptée à la personnalité du propriétaire du jardin. J’adore ce nouveau métier : composer un jardin en fonction d’une personne en particulier, c’est une démarche sensible et créative. J’aime intégrer des plantes oubliées, semer volontairement des mauvaises herbes. J’aime que dans un jardin ça fourmille, ça foisonne, comme dans la tête de quelqu’un. Et puis le vert, c’est bon pour le mental. Arroser sa plante, la tailler, c’est se donner du temps pour soi, ça fait du bien et je suis heureuse de pouvoir transmettre ce bien-être.