Sigolène Vinson

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Sigolène Vinson

Sigolène Vinson aime avoir la tête sous l’eau. Au sens propre. D’abord avocate, puis serveuse, réceptionniste, écrivaine et chroniqueuse judiciaire pour Charlie Hebdo, elle se laisse porter par des courants d’envies et d’opportunités. Toujours en douceur et de préférence au bord de la mer. Cheveux séchés par le vent et plume trempée dans la vie, la sienne ne manque pas de saveur.
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Parquet, plage, planches… Quels sols as-tu arpentés pour arriver là où tu es aujourd’hui ?
Après 8 ans d’études de droit, j’ai foulé le parquet du Palais de Justice de Paris, en tant qu’avocate, spécialisée en droit du travail. Suivant les tribunaux, c’est soit du beau parquet laqué avec lambris, soit du lino gris ou de la vieille moquette. Sur le sol corse, j’ai arpenté ensuite le sable d’une paillotte, dans laquelle j’ai travaillé comme serveuse. J’y ai également été réceptionniste d’un camping. De retour à Paris, je deviens chroniqueuse judiciaire pour le journal Charlie Hebdo. Les trottoirs parisiens, j’y ai marché longtemps, souvent, beaucoup. Entre temps, alors que j’avais déjà publié un premier roman en 2011, j’ai été réceptionniste d’un hôtel pendant 1 an. J’ai voulu être comédienne aussi, j’ai fait les cours Florent entre autres, et foulé quelques planches. Tu as peut-être lu sur Wikipédia que j’ai été comédienne, or ce n’est pas vrai, ou alors comédienne ratée. J’ai tourné dans 2 films où j’ai été coupée au montage !

Depuis, je continue à travailler chez Charlie Hebdo et à publier des livres. Mais, j’aimerais bien repartir en Corse pour faire un emploi saisonnier bientôt. Je n’ai jamais eu la volonté de gérer ou monter mon propre endroit. Je ne veux pas de supériorité hiérarchique, j’ai horreur de l’autorité, mais en même temps je ne ressens pas l’envie de développer ma propre entreprise. Ceci dit l’écriture se fait seule. Je dépends d’un éditeur si je veux être publiée, mais c’est quelque chose que je décide seule.

Quelle étudiante étais-tu ?
J’étais une étudiante qui aimait beaucoup les études et qui aurait voulu passer sa vie à faire ça. À l’occasion de la sortie de mes livres, je suis allée à la rencontre de lycéens. Je suis intervenue en cours de français pour parler d’écriture, de littérature… C’est quelque chose que j’adore faire. J’aime le contact avec les élèves, peut-être parce que ça me permet de me retrouver à l’école.

Quelles questions se posent les lycéens que tu rencontres ?
La question qui revient souvent c’est “comment on pratique un métier artistique ?” Est-ce que c’est encore possible de devenir un artiste dans une société capitaliste ? Est-ce qu’on peut passer sa vie simplement à rêver ? Est-ce qu’ils peuvent devenir des êtres “inutiles à la société” ? C’est leur vraie angoisse. Ceux qui me posent cette question ne sont pas majoritaires, mais c’est une réelle interrogation. Et moi je suis obligée de leur donner le conseil de faire des études quand même, d’avoir un bagage qu’ils choisiront d’utiliser comme ils veulent. À l’âge que j’ai, c’est le conseil qu’on donne, c’est ce que m’a toujours dit mon père : passe ton bac d’abord, puis ton deug, ta licence, et ta maîtrise ! Ensuite, tu seras libre de faire ce que tu veux, si tu veux tout abandonner tu pourras le faire parce que tu auras le choix. Ce qui est important, c’est de faire en sorte d’avoir le choix.

Est-ce que partir, c’est construire ?
On voit bien tous ces gens qui partent sur les routes avec l’idée de construire, après je ne sais pas si on leur donne la possibilité de construire là où ils arrivent. Personnellement, je ne vais que sur des terres déjà foulées. Les choix que j’ai faits, les ruptures que j’ai faites, d’autres les ont faites avant moi. Je ne suis pas en quête.

Il y a toujours une idée de voyages dans mes romans. Djibouti, la Corse, et le dernier se passe au Maroc et dans le Doubs. L’inspiration se fait sur des paysages et des êtres rencontrés dans ces lieux. Un paysage inexploré, ça peut être le coin de ma rue, ce n’est pas forcément à l’autre bout de la Terre. Ça peut être un café dont je pousse la porte pour la première fois.

Qui sont les protagonistes de ton histoire ?
Pour le changement d’avocate à receptionniste, le protagoniste est un homme que j’ai aimé, et que j’ai suivi parce que j’aimais l’île d’où il venait. Après, le protagoniste pour rentrer à Charlie Hebdo, c’est Patrick Pelloux. Il a lu mon premier roman et a cherché à savoir ce que je faisais. Quand il a appris que je vivais dans une caravane en Corse à faire du surf, il s’est dit que ce n’était pas possible, que je ne pouvais pas m’enterrer là-bas. Or, ce qu’il ne savait pas, c’est que j’étais heureuse dans cette caravane. Un jour d’août 2012, je vois débarquer au camping Patrick Pelloux et Charb. Ils m’ont proposé de faire des chroniques judiciaires pour Charlie. J’ai fait un test avec quatre chroniques écrites à partir de mes souvenirs d’audience, ça leur a plu, et dès septembre j’étais publiée dans Charlie. Je suis rentrée en octobre du camping et à partir de là je n’ai plus jamais raté une seule réunion du journal. Et pour la littérature, plusieurs personnes ont participé à mon histoire. Il y a une dizaine d’années j’ai envoyé un texte à Manuel Carcassonne, éditeur chez Grasset. Il ne m’a jamais publié mais m’avait dit que je devais persévérer. Il m’a fait travailler sur un autre texte, qu’il n’a pas pris non plus, mais que j’ai envoyé aux Éditions Plon. C’est comme ça que Denis Bouchain a publié mon premier roman. C’est Lisa Liautaud aux Éditions de l’Observatoire et Frédéric Martin aux Éditions le Tripode qui ont publié mes romans suivants. Tout s’est bien goupillé. C’est de la chance, des circonstances, je ne sais pas.
 
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« Je ne vais que sur des terres déjà foulées (…) Je ne suis pas en quête. »
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Quel est le meilleur conseil qu’on t’ait donné ?
J’enfonce des portes ouvertes, mais j’ai eu conscience très tôt que la vie était courte et qu’il fallait la rêver. Mon père avait pour moi des rêves collectifs, politiques, il m’a éduquée pour que je participe à la vie de la cité. Ce que j’en ai retenu, c’est qu’on peut être parfaitement singulière tout en participant à la marche du monde. Avant, j’étais focalisée sur la collectivité des travailleurs, aujourd’hui, j’ai élargi ma vision à l’être humain en général, à la planète, aux animaux. Je ne suis plus militante mais j’ai l’impression d’être plus active en écrivant des livres qui ne sont pas forcément utiles mais qui invitent à rêver.

Existe-t-il des règles pour que la poésie règne ?
Lors des dernières élections, la culture était absente des débats, c’était assez étonnant. On ne peut pas obliger les gens à rêver ni à être des poètes, mais ceux qui le font et le sont doivent rester libres. Il faut laisser une place aux poètes, et peut-être même s’inspirer d’eux et des philosophes pour gouverner.

Quelle est la question que tu ne t’es jamais posée ?
Je me suis posée tellement de questions ! Ah oui, je ne me demande jamais s’il fera beau demain, j’attends de voir en me réveillant le matin. Comme je ne me pose jamais la question, je sors toujours trop découverte.

Quel serait le titre du livre dont tu es l’héroïne ?
“La dépeignée”. Ça fait plusieurs années que je n’ai pas de peigne ni de brosse chez moi. Je ne sais pas ce que ça veut dire, il doit y avoir une explication. Quand j’écris, je tire sur mes cheveux pour essayer de faire sortir les idées… Mais ce n’est pas que les cheveux, je suis dépeignée des pieds à la tête ! Il a bien fallu un moment que l’habit fasse le moine. Quand j’étais avocate la robe m’a bien servi à cacher ce qu’il y avait dessous ! Une fois, je portais des tongs en audience, je plaidais à la barre en balançant mon pied. J’ai senti ma tong partir et remonter toute la salle d’audience, j’ai continué à plaider avec un pied nu. La tong en plastique, c’était peut-être un peu trop.

De quoi est faite ta pause idéale ?
Ma pause idéale, c’est sous l’eau avec les poissons.

Pourrais-tu nous parler de ton nouveau roman,
Les Jouisseurs ?

C’est le roman qui me ressemble le plus, parce qu’une des héroïnes est dépeignée. Non, pas du tout ! C’est parce qu’il va à l’essentiel. Quasiment pas d’adjectifs, très peu d’adverbes, il est très “à l’os”. Les personnages cherchent une joie de vivre qui n’est pas vraiment joyeuse, qui est juste l’idée de vivre. Un homme en perte de repères et d’inspiration, une femme qui s’avère être la plus talentueuse des deux mais qui a besoin de psychotropes pour vivre. Des êtres en rupture et sur les routes.

Quels sont tes projets à court et long terme ?
En ce moment, je fais beaucoup de Salons du livre, mais j’espère me poser bientôt pour me mettre à l’écriture de mon prochain roman.
 
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« Quand j’écris, je tire sur mes cheveux pour essayer de faire sortir les idées… »

Son kit slash

  • Sigolène Vinson
  • Sa boost song /

    Boost Song
    Born to run, de Bruce Springsteen
  • Sigolène Vinson
  • Sa destination
    pour faire le
    point /

    Destination
    Sous l’eau, toujours. La mer, l’eau salée.
  • Son livre
    de chevet /

    Destination
    Moby Dick, de Herman Melville, et La nuit sera calme, de Romain Gary
  • Son compte instagram
    d'inspiration /

    Destination
    Haha, je n’ai pas Instagram. Ni de smartphone...
  • Son MOOC /

    Destination
    Il m’arrive de suivre des tutos de plomberie. Ce qui m’a permis par exemple de changer un joint de ballon d’eau chaude sans souci.

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