Sarah Hebert

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Sarah Hebert

Le temps qu’il fait, c’est la première chose à laquelle elle pense en se levant. Pas pour savoir si elle doit prendre un parapluie, mais si elle va hisser les voiles, dompter les vagues, choisir selon le vent entre le surf, le kite ou le paddle. Sarah Hebert, championne de windsurf, pionnière du Paddle Yoga, navigatrice, écrivaine et future maman, fait tout cela avec dans le cœur un défibrillateur cardiaque. On lui a demandé de nous emmener, le temps d’une interview, sur son bateau en Bretagne.
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Bonjour Sarah, à quoi ressemble une journée avec toi ?
Ça commence avec un cours de SUP ( stand-up paddle ) yoga ou fitness, une pratique que j’ai développée en France. Ensuite j’organise mon programme de cours, je rentre me préparer un plat végétarien, puis je consacre la fin de ma journée à faire du kitesurf, de la planche ou du surf…

Ton dicton c'est « Avec du coeur, tout est possible », pourquoi ?
J’essaie de promouvoir le fait que dans la vie, on est obligé de s’adapter à des difficultés physiques, morales… mais qu’il y a toujours un moyen de trouver des solutions pour réaliser ses rêves. Je suis porteuse d’un défibrillateur cardiaque, donc forcément tout ce qui a trait au coeur, ça me touche un peu plus. Mais le handicap, au sens général, cela concerne aussi les situations handicapantes.

Quelle est la première chose à laquelle tu penses en te levant ?
Je me lève sur mon bateau, alors ma première question est : « est-ce qu’il y a du vent ? ». En général je l’entends dans la seconde, avec les drisses qui claquent contre mon mât et en voyant si le soleil passe au travers de mon hublot. Tout de suite, cela me ramène à la nature. Cela fait deux ans que j’habite sur mon bateau avec mon chat Pilou.
 
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« Il y a toujours un moyen de trouver des solutions pour réaliser ses rêves. »
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Et la dernière en t’endormant ?
En général, j’essaie de lire. Je suis en lutte permanente contre les réseaux sociaux, parce que j’ai une fâcheuse tendance à m’endormir en regardant mon compte Instagram. Mais c’est vrai qu'ils regroupent mes centres d'intérêts, en l’occurrence la méditation, le yoga, les sports de glisse et une communauté vegan, c’est très chronophage !

Et quand tu es au-dessus de la vague ?
Je pense à la vague sous mes pieds qui se déroule, au vent sur ma peau, à l’instant présent. Je me sens en communion avec la nature.  Pour moi, c’est un sentiment d’amour exponentiel, universel, l’impression de ne faire qu’un. C’est très difficile à décrire à moins de l’avoir vécu. Un jour, j’ai même vu une baleine, et je me suis dit que je pouvais mourir en paix après avoir vu ça.

Et enfin, quand tu sors de l’eau ?
Pour moi, il y a un avant et un après. Après avoir fait ma session j’ai vidé toutes mes énergies négatives, et je les ai remplacées par des positives. Le pouvoir régénérateur de l’océan est très puissant.

J’ai lu pas mal de choses sur ta vie. Peux-tu me la raconter à ta manière ?
Je suis née à Nouméa. Et quand j’étais bébé, on est parti faire le Tour du Monde en voilier avec ma famille. À 12 ans, je suis revenue en Calédonie, et j’ai commencé à faire de la compétition en natation synchronisée. À 16 ans, j’ai découvert la planche à voile. Je me souviens que quand je passais en vélo devant la baie de l'anse Vata, je voyais tous ces gens avec leur planche à voile. Ils avaient l’air super heureux. Je me suis dit que je devais essayer. Et je suis devenue tellement accro que mon coach m’a inscrite aux championnats de France et j’ai remporté toutes les manches. Ça m’a propulsée dans cette voie là.

Et ensuite ?
Ensuite, j’ai continué les championnats, je suis devenue vice­ championne du monde, championne d’Europe et plusieurs fois championne de France de windsurf. J’ai trouvé des sponsors et en parallèle on m’a proposé de lancer une chaîne 100 % Glisse sur Internet. J’ai appris le métier de journaliste sur le tas. Mais mon plus gros projet a été la préparation de ma traversée de l’Atlantique en planche à voile il y a 4 ans.

D’où vient ce projet ?
En 2006, j’ai vécu une année très éprouvante. Il y a eu la mort brutale de mon père, puis on m’a diagnostiqué un problème cardiaque et implanté un défibrillateur cardiaque.  Au début j’ai eu beaucoup de mal à l’accepter, j’ai eu très peur de ne plus pouvoir aller sur l’eau. Mais je me suis rendu compte qu’avec de la volonté, de la passion, et un défibrillateur cardiaque, tout était possible. Et puis tous ces événements m’ont justement rappelé que la vie pouvait s’achever à chaque instant, et qu’il y a urgence à réaliser ses rêves. Alors j’ai voulu retourner là où j’étais pleinement heureuse : sur l’eau. J’ai été équipière sur des bateaux incroyables, et puis de là a germé l’idée de partir seule sur l’Atlantique, et de prouver que même avec un handicap on pouvait tout faire.
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« Après avoir fait ma session j’ai vidé toutes mes énergies négatives, et je les ai remplacées par des positives. Le pouvoir régénérateur de l’océan est très puissant. »
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Comment s’est passée cette traversée en planche à voile ?
J’ai fait douze jours de navigation. C’était très puissant, je me suis régalée. Et puis le 12e matin, je me suis mise à l’eau et j’ai commencé à avoir des pertes de connaissance, des troubles de la vision et de l’audition. Je me sentais très fatiguée. Je me suis reposée et j’ai voulu reprendre le lendemain. Mais ça n’allait pas mieux. J’avais atteint mes limites physiques. J’ai senti que je jouais avec ma vie, puisque ma vie dépendait de ma capacité à communiquer avec le catamaran qui me suivait, et que si je perdais connaissance c’était fini, vu qu’il ne me voyait pas. J’ai eu l’impression de vivre ce que vit un alpiniste qui est à quelques mètres de son sommet, qui se dit « Je peux y aller », mais qui sait très bien qu’il dépasse ses limites. Dans mon cas, vu les conditions météo je serais arrivé au Bermudes au lieu de la Guadeloupe. J'ai donc été raisonnable!

Comment as-tu vécu ce retour forcé ?
Quand je suis arrivée en Guadeloupe, je ne me sentais pas bien : j’avais échoué, et j’étais incapable de me connecter avec les gens qui étaient venus m’accueillir. Et puis les bruits, les odeurs… Tout m’agressait. Je n’avais qu’une envie, c’était de retourner sur l’eau, où j’avais vécu en symbiose avec ma planche. Puis deux jours après, j’ai ouvert mon ordi : et là 2000 messages. 2000 mails de « bravo », de « avec du coeur tout est possible », de « tu nous inspires »… Alors je me suis dit que tout cela n’avait pas servi à rien. Ces gens ne me reprochaient pas de ne pas avoir réussi, au contraire : ils avaient compris le message. Parfois, la nature est plus forte, et dans ce cas il faut savoir dire stop.

Et après, ça allait mieux ?
Pas tout de suite. Car après, le plus dur a été de se pardonner à soi-même. Il n’y a pas pire jugement que le sien. Je me répétais en boucle que j’étais nulle. J’ai vécu 5 mois merdiques, durant lesquels j’avais perdu toute motivation, toute envie d’aller sur l’eau.
Je savais que je voulais écrire un livre sur cette traversée, mais comment écrire sur une traversée qu’on n’a pas finie ? Alors je suis partie en Angleterre faire du Woofing dans une ferme. Le contact avec la nature, avec la terre, m’a fait beaucoup de bien. Je suis rentrée et je me suis lancée dans l’écriture de mon livre.

Cela t’a pris combien de temps ?
J’ai mis 7 mois. C’est long à écrire, et c’est douloureux d’écrire sur une histoire qui ne s’est pas passée comme tu le voulais. Il faut faire des bonnes pauses, pour prendre du recul entre  le premier jet et la version finale. Mais cela a été une vraie thérapie. Cela m’a permis de faire à nouveau face à ces moments difficiles, de prendre du recul sur les erreurs que j’avais faites et de l’accepter. On ne peut pas aimer une partie de nous-même et pas l’autre : on est un tout, on doit aimer nos échecs aussi. Ça m'a beaucoup aidée à transformer cet abandon en réussite.
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« On ne peut pas aimer une partie de nous-même et pas l’autre : on est un tout, on doit aimer nos échecs aussi. »
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Et pour la suite, tu projettes quoi ?
Un tour du monde ! Evidemment mon rêve de gosse a resurgi. Donc on a acheté notre bateau avec mon copain Aurélien et on part faire le tour du monde au printemps prochain, direction La Nouvelle-Calédonie. On tient un blog qui raconte les préparatifs, ça s’appelle Poussé par le vent . C’est très nouveau de monter un projet à deux. Pour moi c’est un retour aux sources, pour Aurélien c’est quitter ses sources. Et puis faire le tour du monde, il y a beaucoup de gens qui en rêvent, mais sortir de sa zone de confort, se détacher du matériel, se restreindre au strict minimum c’est une autre réalité.

Et puis bien sûr, notre deuxième gros projet, c’est de jongler entre ce projet et la naissance de notre premier enfant en janvier prochain, avec qui nous allons faire ce tour du monde. 

Qu’est ce que la vie t’a appris de mieux ?
Qu’on peut réussir un projet en ayant eu un échec, et qu’un échec peut être une réussite. Réussir, c'est savoir se relever d'une chute.
Qu’il faut prendre le temps de digérer un échec, car on en tire différentes lectures.
Ensuite, qu’il faut être bienveillant avec soi-même. Il y a un exercice que j’aime bien faire, c’est « Que diriez-vous à l’enfant qui est en vous ? ». Quand on regarde un enfant, on a tout de suite envie d’être plus gentil.
Et enfin, il faut apprendre à voler à la bonne altitude. Ni comme un moineau, ni comme un albatros. Est-ce que tu connais le Fou de Bassan ? C’est une espèce qui ne vole ni trop haut, ni trop bas. C’est comme ça que j’essaie de vivre.
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« Réussir, c'est savoir se relever d'une chute. »

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By Eve