Tu m’as aussi dit que tu crois beaucoup aux signes ?
Il y a une histoire assez drôle sur ce sujet. Quand j’avais 25 ans, lors d’un de mes voyages en Indonésie, on m’a conseillé de rencontrer un guérisseur, Gédé, dont on disait qu’il possédait des pouvoirs. Il m’a dit : « Quand tu auras 33 ans, ça marchera pour toi dans des domaines artistiques » . Il m’avait même laissé une carte «Some people remember ».
Il se trouve qu’à 32 ans, ça a commencé à bien fonctionner. Alors l’année suivante, j’ai décidé d’aller retrouver Gédé pour lui dire merci. J'ai galéré pour le retrouver, et quand, après des jours de voyage, je suis enfin arrivée chez lui, il m'a expliqué qu’il était devenu agent immobilier parce que “gourou” ne rapportait pas assez. J’étais hallucinée mais en même temps, c’était une grande leçon. Ça veut dire que les signes dépendent simplement de la lecture qu’on en fait.
Et aujourd’hui, quels sont tes nouveaux projets ?
J’écris ma première fiction (qui sortira en janvier aux éditions JC Lattès), dont le thème est « Ne parle pas aux inconnus ». C’est ce que les parents répètent tout le temps aux enfants, et je n’y ai pas échappé. Gamine, j’habitais dans une maison au milieu d’une ZUP de province. Je n’avais pas le droit de sortir du jardin et j’attendais impatiemment le moment de pouvoir aller voir ailleurs si j’y suis ! Pour ce livre, je me suis inspirée du témoignage de jeunes de toute l’Europe à qui on transmet plein de peurs similaires. Ils m’ont raconté ce que signifiait pour eux devenir adulte et j’ai imaginé le roman initiatique d’une jeune fille de l’est. Mais je n’en dis pas plus… Et en attendant janvier, je m'attelle à une nouvelle discipline : écrire chaque matin, dans un café, jusqu’à 13 heures, sans internet, ni téléphone, pour arrêter de procrastiner et avancer !
Je travaille également sur VoiE/X, un
projet de photographie que j'ai amorcé en Mauritanie et qui va me conduire de Papouasie en Iran, en passant par le Groenland, pour faire le portrait d’artistes sous contrainte.
Quels sont tes conseils pour faire de la contrainte son meilleur allié ?
- Considérer les choses par étapes. Se fixer des objectifs atteignables par jour et arrêter de penser à l'ensemble. Quand on se lance dans une randonnée en montagne par exemple, si on marche en fixant le sommet, l'effort semble insurmontable, mais si on se concentre sur chaque pas, alors on accumule un tas de petites victoires qui nous donnent confiance pour continuer d'avancer.
- Dégoupiller ses mécanismes d'évitement. On a tous d'intenses envies de vaisselles ou autre arrosage de cactus au moment précis où on doit faire face à son projet. Pour contrer cette procrastination (derrière laquelle se cache en fait la fameuse peur de la page blanche), je crois qu'il faut trouver un contexte réservé. Une sorte de rendez-vous avec soi-même, dans un lieu et un temps dédiés. Un café, un parc... Sans Internet et hors de chez soi.
- S'ennuyer. Au milieu de nos emplois du temps hyper chargés et hyper connectés, on oublie de ne rien faire. L'ennui – ce grand vide qui donne le vertige – est en fait notre meilleur ami. Enfant, c'est lui qui nous faisait inventer des histoires. Si le cerveau n'a plus rien à recevoir, il va émettre des idées. Contraignons-nous à nous déconnecter (allez, juste quelques heures par semaine) pour réinventer.
- Accepter les déviations. Croiser des difficultés est une chance. La contrainte limite autant qu'elle inspire. Composer avec elle permet d'imaginer des détours, des solutions malignes pour s'inscrire dans le paysage. Et oui, on peut survivre avec moins d'argent, et oui, nos enfants nous aimeront mieux si nous sommes des mères inspirantes plutôt que des mères carte-bleue, et oui, la route est difficile, mais quand on arrive au col en sueur, on regarde la vue et on se dit qu'on l'a bien mérité ce putain de sommet.
Bibliographie :
- Same same but different (Michalon, 2010)
- Je t'aime [maintenant] (Michalon 2012)
- Qui a tué Jacques Prévert ? (La Martinière 2014)