Kristin Frederick

Image de fond

Kristin Frederick

Elle nous reçoit perchée à la table en bois blond du Greenhouse - le resto bio tout frais qu’elle vient d’ouvrir sur cette petite place du 11e arrondissement. Pablo, le chef, vient nous faire goûter une lamelle de « la meilleure courgette du monde ». Kristin Frederick voulait tout, sauf travailler dans la restauration – histoire de ne pas faire comme ses parents. Résultat ? Cette Californienne pur jus compte parmi les 40 femmes qui agitent la gastronomie parisienne. Mais pas que : elle est aussi jardinière, dénicheuse de tendances fooding, gastro-coach, camionneuse et viticultrice à ses heures. Elle nous raconte ses vies avec un accent irrésistible – mais vite, parce que le service du soir va recommencer. Rythme de touche-à-tout oblige.
Image de fond
A quoi ressemble ta vie, ou plutôt tes vies en ce moment ?
Disons à un marathon ! Je fais tourner 3 food trucks - mes « camions qui fument », et 3 restos dans Paris - bientôt 4 : le resto en dur du « camion », le Huabu, ma cantine chinoise sur le boulevard Poissonnière, et le Greenhouse, qui vient juste d’ouvrir dans le 11e à la place de mon ancienne adresse de sandwichs US, Freddie’s Deli.

Pour tout ça, je jongle entre les fourneaux, la création des cartes, la sélection des petits producteurs chez qui dénicher les meilleurs produits, le service, le management des équipes, la gestion… Au Greenhouse, je suis aussi un peu cultivatrice : je m’occupe du potager urbain bio que l’on a installé sur la petite place juste devant la terrasse, dans trois jardinières géantes en brique. Je fais aussi du food consulting auprès d’autres restaurants, chefs ou grandes enseignes de restauration – pour booster leur carte, les coacher sur les tendances, former leurs équipes…Et dès que je peux, je vais donner un coup de main à mon chéri viticulteur en Bourgogne. Sans oublier de suivre le rythme de Mimi, mon chien, qui a encore plus d’énergie que moi.
 
Pour manger, tu préfères assise ou debout ?
Les deux, évidemment ! Dans tous les cas, je fais attention à ne manger que de bons produits, bio, frais, et de saison. Côté « debout », je suis contente de voir comme les choses ont bougé à Paris depuis 5 ans : avant, la street food, c’était surtout McDo ou Kebab - et manger dans la rue était plutôt mal vu, associé à la malbouffe, à la précipitation, au stress. Maintenant il y a une offre de plus en plus qualitative et créative et c’est tant mieux, parce que pouvoir manger bon et sans perdre de temps, ça compte quand on a des vies ultra-remplies. D’ailleurs, souvent, je n’ai juste pas le temps de manger, ni assise ni debout !
 
Ah oui ? Parce que c’est comment, une journée avec toi ?
Je ne commence pas forcément hyper tôt, à 8h30, mais quand c’est parti, ça n’arrête plus. D’abord, gestion, compta. Puis j’arrive au resto à 11h, pour régler le service de midi – en ce moment, je me pose au Greenhouse qui est en pleine phase de lancement. A partir de 15 heures, je dois gérer les commandes, les fournisseurs… J’en profite aussi pour avancer dans mes activités de consulting, et si je peux je souffle deux minutes en m’occupant du potager. Et quand c’est possible, je file me défouler à la salle de sport. A 18h, en piste pour le service du soir. Quand on boucle, vers minuit ou après, je retrouve mes amis pour sortir – beaucoup de restaurateurs, parce qu’on a le même rythme.
 
Tu as fait plusieurs métiers tout au long de ta vie…
Oui. Au départ, pour moi c’était tout sauf la restauration : mes deux parents étaient du métier, à Los Angeles. J’ai passé mon adolescence à bosser comme serveuse ou barista pour me faire de l’argent de poche, du coup pour la suite c’était niet. J’ai étudié la com à San Diego, puis j’ai commencé à travailler dans la banque. J’ai tenu trois ans. Rester dans un bureau, ce n’était clairement pas pour moi. Et j’avais beau lutter contre la tradition familiale, dès que j’avais du temps libre, je rêvais de cuisine. Je faisais le marché, préparais des dîners pour les copines. Alors j’ai sauté le pas.

Et comment s'est passée la suite ?
J’ai choisi la France pour venir me former aux fourneaux. J’ai fait l’école de cuisine Ferrandi, et j’ai commencé à bosser dans des restos étoilés. Après avoir tourné avec plusieurs chefs, il y a six ans, j’ai eu envie de monter ma propre aventure. C’est là que j’ai eu l’idée du food truck : à l’époque, en France, il n’y en avait pas. J’avais tout mon bagage et ma culture californienne - le souvenir de tous les burgers que j’adorais ado !

J’ai pensé qu’un camion serait plus facile que monter un restaurant en dur. Wrong ! Il a fallu d’abord gérer toutes les autorisations administratives pour faire accepter le camion dans Paris, puis basculer très vite sur un mode entrepreneurial hard, recruter massivement…. parce que tout de suite nous avons eu beaucoup de monde, une grosse demande. Et puis voilà, j’ai eu envie de revenir à du « fixe ». Alors j’ai ouvert un resto, puis 2, puis 3, et bientôt 4.
Image de fond
« J’ai commencé à travailler dans la banque. J’ai tenu trois ans. Rester dans un bureau, ce n’était clairement pas pour moi »
Image de fond
Pour toi, quel a été le déclic pour passer d’un projet à l’autre ?
Mon moteur, c’est que je vois les « trous » ! Les choses qui manquent me sautent aux yeux, et du coup je les comble avec mes envies et mes projets. Quand j’ai lancé le camion, c’était le désert de la street food à Paris. Je ne pouvais manger un bon burger nulle part, et ça me manquait ! De la même façon, j’ai ouvert Huabu parce qu’il y avait un gros vide du côté de la bonne bouffe chinoise – inventive, qualitative et accessible.

Mais finalement, je réalise que chacune des étapes de ma vie, aussi différente soit-elle, ressemble profondément à ce que je suis au moment où je le fais. Il y a 6 ans, j’étais le camion. Et aujourd’hui, Greenhouse, c’est moi, avec ses vins bio, ses plats nature, sa simplicité conviviale.
 
Ton secret pour réussir plusieurs choses à la fois ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours fait dix trucs en même temps. Quand je bossais dans la banque en Californie, je passais me changer chez moi après la grosse journée de boulot, et je repartais pour un « deuxième service » de nuit dans les bars et les restos – pas pour doubler mes fins de mois, mais parce qu’en fait j’adorais l’ambiance, même si je répétais que je ne voulais pas faire comme mes parents.

A la base, je pense que j’ai beaucoup de chance : j’ai de l’énergie à revendre et je ne sens pas facilement la fatigue. Le truc qui me donne l’énergie pour multiplier mes projets, c’est mes mentors, dans tous les domaines, des fourneaux à la déco : je ne pourrais pas vivre sans – sans modèles que j’admire, de qui j’apprends, qui me donnent envie de me dépasser. Sinon je me fane. Et puis l’énergie de mes coéquipiers, de ceux qui m’entourent, est aussi fondamentale pour moi. J’ai compris que dans le monde dans lequel on vit, travailler et créer toute seule, quel que soit le métier, ça ne marche pas.
 
Ton truc pour te ressourcer et gérer tout de front ?
Je prends le temps de faire un sauna une fois par semaine. Vital pour moi.
 
Ta recette préférée ?
Là aussi, je slashe - ça change tout le temps ! Hier, un monsieur m’est tombé dans les bras ici, au Greenhouse, en fin d’après-midi alors que je checkais mes commandes. Je ne l’avais jamais vu, mais c’était un ancien habitué de Freddie’s Deli. « C’est chez vous ici ? » me dit-il. « Parce que la première fois que je suis venu chez Freddie’s, j’ai demandé à ce qu’on me prépare le sandwich préféré de la patronne. Je suis devenu complètement addict, mais je n’ai jamais su comment il s’appelait. Du coup, depuis que ça a changé d’enseigne, je suis orphelin ! Je suis tellement content, vous allez pouvoir me dire les ingrédients ! ». Grosse déception pour lui, j’ai été absolument incapable de lui répondre - parce que des sandwiches préférés, j’en ai changé 20 fois !
 
Et pour la suite tu projettes quoi ?
Pour l’instant, rien. Je suis dans le présent, à 100%. Plusieurs vies à la fois oui, mais ici et maintenant.
Image de fond
« Je suis dans le présent, à 100%. Plusieurs vies à la fois oui, mais ici et maintenant. »

Son kit slash

  • Kristin Frederick
  • Sa boost song /

    Boost Song
    Les chansons de Booba
    J'ai même assisté au concert de l'artiste à Lille !
  • Kristin Frederick
  • Sa destination
    pour faire le
    point /

    Destination
    A Los Angeles, sans hésiter
    Pour retrouver mes parents et tous les burgers que j'adorais étant ado !
  • Son livre
    de chevet /

    Destination
    « Les recettes du Camion qui fume »
    Un livre que j'ai écrit il y a quelques années mais qui me sert toujours quand je suis en quête d'une bonne recette de burger.
  • Son compte instagram
    d'inspiration /

    Destination
    Celui du Fooding
    Avec ses photos de plats en veux-tu en voilà, venus des quatre coins du monde.
  • Son MOOC /

    Destination
    Les MOOC de l'école Ferrandi
    On y présente les dernières tendances culinaires, pour apprendre à mieux innover en cuisine.

Retrouvez les interviews des slasheuses avec

By Eve